0) Vous vous retrouvez liquidateur testamentaire d'une succession soudainement, un jour...
5 janv. 202319 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 févr. 2023
Un être cher décède après une longue maladie ou soudainement dans un accident. Au milieu des premières étapes du deuil, un parent examine les lieux du défunt et survole ses dossiers. On recherche et on trouve un testament notarié. Quelques minutes suffisent pour découvrir que vous êtes la liquidatrice et on vous en informe aussitôt. Vous aviez un petit doute mais maintenant c'est confirmé. C'est la première fois qu'on vous désigne ainsi. Vous vous sentez honoré d'être choisie par cette personne mais aussi, un peu inquiète de cette nouvelle responsabilité. Vous cherchez refuge auprès de votre conjoint, d'un ami peut-être. Comment allez-vous assumer dignement votre rôle?
Mettons les choses au clair. Ce rôle n'est pas de tout repos. Il peut même être ingrat. Certains héritiers pourraient critiquer votre travail. Des intervenants pourraient vouloir vous influencer vos décisions. On pourrait questionner votre autorité. Mais au fait, de quelle autorité parle-t-on?
Prenons conscience que le leader de la succession, c'est le testateur. Je sais. Le testateur n'est plus là. Quand même, c'est lui, le testateur, qui est "le boss ou la boss". Le liquidateur est l'instrument du leader et son rôle est de mettre en oeuvre fidèlement les volontés du leader. Le liquidateur est à l'écoute des héritiers. Il est emphatique à leurs égards. Il est honnête et juste envers tous et chacun des héritiers. Suivant l'expression quasi légale, le testateur doit agir en "bon père de famille" dans ses décisions et ses actions. Cependant son domaine est celui du testament et son autorité dérive des volontés de la personne décédée. La liquidatrice n'est plus la soeur de ses frères ni l'ainée du testateur. Elle est la responsable qui fera que les choses arriveronnt comme le veut le testateur.
Si le testateur vous a informé de votre éventuel rôle, il pourrait être opportun de lui demander son aide de son vivant. Comment? En lui demandant de produire un document d'orientation pour son liquidateur. Il pourrait même vous indiquer ou vous trouverez ledit document sans vous le montrer et qui idéalement sera mis à jour périodiquement. Voici ce dont vous aurez besoin. Les lieux ou on peut retrouver les dossiers importants et une idée de leur classement. Ceci inclut les certificats de naissance, les certificats de mariage, les jugements de divorce, les testaments, les relevés de cartes de crédit, les relevés des comptes en banque et d'investissement, le coffret de sureté, les passeports, les carnets santé, les cartes d'hôpitaux, les permis de conduire/immatriculation, les hypothèques, les contrats d'assurance-vie, automobile et demeures, les cartes de membres de club, les cartes d'assurance sociale et d'assurance maladie, les arrangements funéraires, les renseignements immobiliers et leur titres, les documents de pension, de la rente du Québec et Sécurité de la vieillesse, les détails concernant les CELI, REER/FERR, les déclarations de revenu des années passées, les créances et coordonnées des créanciers, les employeurs, les coordonnées des professionnels comme médecin, dentiste, avocat, notaire, conseiller financier. Le lieu de toutes les cartes "plastique" et les NIP's. Les documents de votre entreprise incluant l'incorporation, la fiscalité et la comptabilité. Un autre dossier très important aujourd'hui est celui de la présence numérique et surtout les mots de passe afin d'accéder aux multiples comptes (ultimement pour les fermer). Le testateur a peut-être des instructions spéciales facilitant le travail du liquidateur comme ses placements étrangers ou encore des orientations concernant son entreprise. Un dernier élément critique est celui de l'inventaire des biens. Le liquidateur devra faire un inventaire de tous les biens, ce qui inclut les investissements de toute nature, les biens immobiliers (demeure et chalet) et leur contenu, les créances, dettes, etc. Toute préparation à cet exercice par le testateur améliorera la qualité et la facilité de production du document par le liquidateur. D'ailleurs, la Chambre des notaires a préparé un excellent document pdf interactif appelé Patrimoine: Guide 360 avec un annexe qui est complet et versatile.
Mais revenons à vous le liquidateur. Vous avez le testament en main et vous êtes prêt à agir. Malheureusement, vous ne le pourrez pas immédiatement. Il y a un chemin critique, un passage obligé auparavant. C'est que le testament que vous détenez, pourrait bien ne pas être le dernier. C'est du moins ce que la banque du décédé vous dira si vous désirez accéder aux comptes bancaires. Pour être liquidateur, il faut être désigné dans le dernier testament. Pour confirmer qu'il s'agit du dernier testament, il faut détenir les certificats de recherche du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec, deux endroits ou la personne est susceptible de déposer son dernier testament. Qui plus est, pour faire les demandes des certificats de recherche (ceci peut être fait en ligne), il vous faut le certificat de décès ou l'acte de décès. Le premier est la version simplifiée du second. En principe, la maison funéraire devrait vous avoir aidé à remplir les formulaires (et réclamer les sous) pour faire la demande du certificat de décès et ou l'acte de décès. Sinon, il vous faudra initier le processus vous-même (là aussi avec internet). Ce certificat de décès est émis par le Directeur de l'état civil de la province. D'ailleurs la maison funéraire vous a invité à remplir la déclaration de décès à son intention. Le Directeur devra recevoir et analyser cette déclaration d'ailleurs car le processus n'est pas instantané.
Il y a des délais dans toutes les étapes, souvent de plusieurs semaines. Concrètement, je suis au fait que pour donner suite à un décès à la fin du mois d'août, il a fallu attendre à la mi-novembre afin d'obtenir les certificats de recherche et être en mesure d'agir. Entre temps, vous possédez tout de même l'attestation de décès de la maison funéraire et certains gestes peuvent être posés en attendant.
Il est possible que vous soyez impliqué dans l'organisation des funérailles ou même responsable. La maison funéraire est une ressource compétente et essentielle pour vous assister. Vous pouvez compter sur cette équipe pour soulever toutes les questions et obtenir de votre part les réponses. Prévoyez une période probablement plus longue que vous l'auriez anticipée. Initier la demande du certificat de décès avec eux. Obtenez le guide "Que faire en cas de décès du gouvernement du Québec". Recherchez plus tard la version fédérale de ce document plus tard par internet. En général, on vous donnera 45 jours pour payer les frais. Ceux-ci peuvent se situer entre $6,000 et $12,000 en 2022 dépendant de vos souhaits et des directives de la personne décédée. Sachez que vous pourrez convaincre la banque de la personne décédée de payer les frais directement à même les fonds du compte en banque du décédé sur présentation de la facture de la maison funéraire, jusqu'à concurrence de $12,000 (voir le guide page 57 à cet effet).
Si vous êtes pressenti(e) comme liquidateur sans pouvoir l'être officiellement, il y a beaucoup d'interventions possibles. En utilisant l'attestation de décès de la maison funéraire, une référence au site web de la maison, votre statut (fille ainée, frère, etc.), vous pouvez écrire (idéalement) à plusieurs sociétés. Par exemple, il faut rencontrer la banque principale du décédé afin de "geler" les comptes. Votre lettre sera utile. Il en est de même des comptes de placement. Vous pourriez rencontrer Service Canada avec votre lettre. Écrire à la Régie des rentes du Québec. Il y a possiblement plusieurs fournisseurs de service comme le câble, les téléphones, les abonnements, les cartes de crédit, Hydro-Québec, les assurances vie, assurance automobile, la municipalité et la commission scolaire, etc. qui mériteraient d'être contactés. Ceci est particulièrement important si ces sociétés prélèvent des fonds du compte en banque à partir de prélèvements préautorisés. On peut déposer dans un compte gelé mais pas prélever. Un autre point important: vous avez peut-être la possibilité de faire l'inventaire des biens physiques comme la demeure et son contenu, les autres propriétés et leurs contenus, les automobiles. La question est souvent soulevée: combien précis doit être l'inventaire. Le but ultime est de donner une valeur marchande à l'inventaire afin de faciliter le paiement de créances et la distribution équitable des biens aux héritiers. On se sert de son jugement. Les vêtements ont peu de valeur et peuvent être décrits comme des ensembles mais les objets de valeur comme les bijoux, oeuvres d'art sont définitivement importants à inventorier en détails. Il y a bien sûr les objets ayant une valeur sentimentale. Il peut être difficile de donner une valeur monétaire à chaque article. Si le décédé a conservé les factures, cela peut être utile bien qu'il faille reconnaitre que l'article a probablement perdu une bonne partie de sa valeur. Internet peut aider à donner des références de prix. Pensez à l'estimation de la valeur d'un véhicule similaire sur le marché des véhicules usagés. L'estimé de la valeur de la maison portée au rôle de la ville est une autre donnée comme point de départ (s'il y a lieu, on peut obtenir un estimé du prix de vente de la maison par un professionnel).
Les enjeux mentionnés plutôt représentent une somme substantielle d'efforts et de temps. C'est un passage obligé.
Arrive le moment ou vous obtenez le certificat de décès et/ou l'acte de décès (plus complet). C'est le moment d'obtenir les certificats de recherche du dernier testament. On les obtient auprès de la Chambre des notaires et du Barreau du Québec, deux organismes qui sont susceptibles d'avoir été impliqués dans la préparation des testaments de la personne décédée au cours de sa vie. Les sommes demandées dans chacun des organismes sont raisonnables, environ 35$. De plus, il est maintenant possible de faire ces demandes par internet en consultant leurs sites web. Il faut s'y préparer en ayant les données sur la personne: numéro d'assurance sociale, adresse récente, date de naissance, date de mariage et nom du conjoint, certificat de décès en PDF et naturellement le testament en votre possession en version PDF. On demande de retracer les adresses précédentes sur une longue période de temps, ce qui peut vous demander une petite recherche préalable. Ayez votre carte de crédit en main. Une fois les demandes complétées, payées et transmises, vous obtiendrez une confirmation. Il faut attendre quelques semaines (typiquement 20 à 25 jours). Sur réception de ces documents.
Vous avez reçu les certificats de recherche du Barreau et de la Chambre des notaires confirmant que vous détenez le dernier testament et confirmant que vous êtes le liquidateur testamentaire (autrefois l'exécuteur testamentaire). Vous devez aviser plusieurs intervenants pour les informer de votre statut et de la situation. Malheureusement le processus d'avis n'est pas uniforme. Certains permettent de le faire par internet à partir de leur site d'entreprise. Dans ce cas, il vous faut préalablement avoir digitalisé tous vos documents: testament, certificats de décès, certificats de recherche, des pièces d'identité qui vous concernent comme votre permis de conduire et passeport. Il serait bon d'avoir en main les documents se rapportant à cet intervenant, par exemple un relevé de compte de placements. De plus dans certains cas, la société peut vous demander "vos instructions". Un exemple d'instructions est ce que le liquidateur désire faire avec les placements, les liquider immédiatement ou encore les conserver "tels quels" sujet à des instructions plus tard (probablement la meilleure chose à faire soit dit en passant). Si le conjoint est décédé mais cité au testament, il pourrait y avoir lieu de présenter le certificat de décès du conjoint.
Dans d'autres cas, il faut écrire avec essentiellement les informations ci-dessus. Un problème survient. Si vous soumettez le certificat de décès original, il faudra demander à ce qu'il vous soit retourné. Ceci introduit des délais. D'ou l'idée d'avoir aussi l'acte de décès, qui vous permettra de fonctionner pendant le temps ou le certificat de décès est absent. On conserve en tout temps un original. Appelez avant d'écrire afin de vous assurer d'être au fait des procédures et réduire les délais inutiles.
Dans d'autres cas, il faut se présenter en personne. C'est le cas de la banque principale avec laquelle la personne décédée faisait affaire. De nombreux détails doivent être discutés. Notamment vous voulez les relevés mensuels, spécifier l'adresse de correspondance avec vous, vos coordonnées. S'il y a des comptes de placements, vous voulez aussi les relevés, faire sortir le bilan à la date du décès. Les mêmes documents mentionnés plus tôt sont requis afin de vous qualifier comme liquidateur, ne les oubliez pas. Vous pourriez en profiter pour ouvrir un compte chèque de fiducie testamentaire. En utilisant la même banque, cela facilite les transactions et la coordination. Il est parfaitement possible de faire affaire avec "sa" banque si on préfère pour le compte de fiducie.
Parmi les intervenants, les plus importants sont: la banque, les endroits ou le décédé a des comptes de placements, l'Agence de Revenu du Canada, Revenu Québec, les Rentes du Québec, Service Canada, la Sécurité de la vieillesse, la compagnie d'assurance-vie, la Ville si la personne était proprio, la Commission scolaire, Hydro-Québec, les sociétés qui dispensaient une rente au décédé ou une rente lorsqu'à la retraite, les créanciers comme les cartes de crédit, l'hypothèque, prêt ou location de l'automobile, vignette de personnes handicapée, la résidence RPA s'il y a lieu. Il y a peut-être des intervenants que le liquidateur retrouvera dans le documents d'orientation laissé par le décédé (voir plus haut)
Parmi les personnes impliquées, il y a bien sûr les héritiers. Il est nécessaire de les rencontrer en groupe afin de dévoiler le contenu du testament de la personne décédée. À strictement parler, il faut en faire la lecture. En premier, ils découvriront que vous êtes la personne désignée comme liquidateur.
Cela sera une occasion pour résumer vos responsabilités, les limites de votre autorité et notamment votre rôle de "gardien" des volontés de la personne décédée. Si vous avez engagé les services d'un notaire, vous pourriez vous retourner vers lui pour lire le testament et l'expliquer au besoin. Il pourrait clarifier certains passages du testament s'il y a des questions. Cependant les héritiers devront bien comprendre le rôle du notaire. Il devrait d'ailleurs l'expliquer. Il devrait surtout vous supporter directement dans cette rencontre en appuyant clairement votre autorité afin de ne laisser aucun doute à cet égard. Il est sans doute préférable de se préparer à la rencontre avec les héritiers avant ladite rencontre. Par exemple, la journée précédente, question de préparer un agenda, anticiper les questions et s'assurer des messages qu'on désire laisser clairement.
Une communication fluide et relativement fréquente avec les héritiers est souhaitable. Par exemple, une fois que l'inventaire global est raisonnablement complété, vous pourriez convoquer une rencontre de suivi afin d'en faire état. Il pourrait y avoir des points litigieux, notamment quant à la division des biens qui ne sont pas liquides comme une demeure. Cela pourrait être le moment d'en prendre acte devant tous et chacun et même explorer des pistes de solution acceptables. Par ailleurs, une idée qui s'est avérée particulièrement fructueuse est celle de rédiger des "Notes au dossier du liquidateur" hebdomadaires afin de résumer vos actions et vos progrès périodiquement. Cela va souvent consister en 5 à 10 articles résumés par une phrase et/ou un tableau sommaire. Cela va vous aider en tant que liquidateur. Vous pourriez distribuer par courriel ces "notes" afin de les informer du progrès et de réduire les questionnements de corridors.
Dans toutes les successions, il y a des difficultés ou embuches. Comme liquidateur, écoutez, essayez de comprendre les différents points de vue, ne réagissez pas sur le champ en décidant par l'émotion du moment. Prenez 24-48 heures pour consulter et réfléchir. Il y a généralement des solutions acceptables qui respectent les volontés du testateur et qui peuvent bien satisfaire, dans certaines limites, les objectifs particuliers de chacun des héritiers. Dans votre boite à outil, souvenez-vous que pratiquement tout élément d'une succession peut se voir assigné une valeur monétaire, que l'argent est "fongible". De plus, vous avez la possibilité de faire progresser des dossiers à l'aide de l'unanimité des héritiers. Vous avez la technique de renoncement à certains droits par des héritiers.
Certaines solutions peuvent demander un acte notarié.
À titre de liquidateur, vous devez informer le public de l'existence de la succession dont vous êtes responsable. Ceci est facilité par le ministère de la justice via le Registre des droits personnels et réels mobiliers, connu comme le RDPRM. Il y a trois étapes qui sont exigées de votre part, trois interventions dans le temps. Premièrement vous devez informer le public que vous êtes le liquidateur. Puis, lorsque à votre satisfaction, vous devez informer le public que vous avez clôturé l'inventaire de la succession (notez que vous ne divulguez pas le contenu de l'inventaire auprès du RDPRM, seulement que vous l'avez complété) et finalement, lorsque vous avez distribué les biens aux héritiers, que vous avez clôturé la succession.
Toutes ces étapes visent à informer les créanciers (qu'ils apparaissent ou pas à votre inventaire), les héritiers et ceux qui pourraient prétendre l'être et toutes autres personnes intéressées par la succession. Ils ou elles pourront ainsi entrer en contact avec vous. Vous évaluerez le mérite de leurs représentations et donnerez donc suite à celles qui sont légitimes en suivant les volontés par la personne décédée. Une fois que l'avis de clôture de la succession est porté au registre, personne n'a plus de recours. Toute personne qui ne s'est pas manifestée précédemment est alors réputée avoir accepté la distribution que vous avez mise en oeuvre.
Il est de bon aloi, de publier simultanément dans le journal local de la résidence de la personne décédée, lors de la première étape au RDPRM, que vous êtes le liquidateur et qu'une personne intéressée peut vous contacter par écrit.
Chacune des inscriptions au RDPRM coûte environ 50 $ par inscription et ne prend que quelques minutes à remplir. Une annonce dans une municipalité moyenne peut coûter 100$ pour une semaine. On trouve la bonne formule à utiliser en consultant le personnel du journal/courrier.
Travaillez de façon organisée. Prenez quelques heures pour rassembler votre information vitale et créer vos dossiers dans un ordre qui vous est propre et familier. Idéalement, la personne vous aura laissé un document d'orientation comme mentionné plus tôt. Munissez-vous de votre ordinateur, de l'espace sur votre disque dur, une bonne clé USB et débutez votre travail "Sherlock Holmes". Localisez les cartes débit/crédit, les NIP si possible afin d'éviter la fraude. Localiser la liste des mots de passe et assurez-vous d'obtenir toutes les copies de ces mots. Obtenez une copie des rapports mensuels de l'année de tous les comptes en banque, d'investissements, de placements. Localisez et copiez les déclarations de revenus des années précédentes aux deux paliers de gouvernement. Localisez les contrats comme les hypothèques, les créances, les prêts, les titres de la maison, les assurance vie, auto, maison, etc. Examinez les multiples abonnements et les services comme électricité, gaz, internet, etc. Prenez en note les numéros de téléphone et les services à contacter, cela vous éviteras des pertes de temps. Méfiez vous de ce que vous pourriez oublier.
Puis créez un document de suivi. Cela pourrait être un chiffrier ou encore un cartable. Créez un sous dossier par enjeu, ceci dans l'optique que vous aurez probablement à progresser avec chaque enjeu séparément sur une période de plusieurs mois, incluant des communications par téléphone/lettres ou vous soumettez des demandes et patientez pour avoir les réponses. Comptez un bon 30 à 50 enjeux. Il faut s'organiser si on ne veut pas s'embourber dans les détails et la mémoire qui oublie.
Dressez aussi un inventaire physique en faisant une liste et en prenant des photos. Soyez précis sur les articles (les marques par exemple) afin d'évaluer la valeur des articles. Prenons exemple sur l'automobile. Avec la marque, l'année, le modèle, quelques caractéristiques vous pourriez donner une valeur à cette auto à partir d'internet.
La fiscalité est un enjeu important dans une succession. Comme liquidateur vous êtes responsable que les déclarations soient produites conformément aux lois et que les cotisations soient acquittées aux justes montants. Compte tenu de deux paliers de gouvernement (fédéral et provincial) il y a six déclarations au total.
Si la succession n'est pas complexe et que vous êtes familier avec les déclarations de revenus, il vous est possible de les produire par vous-même. Si cela n'est pas le cas ou que vous n'ayiez pas le temps de les produire, alors il faut enrôler un spécialiste (comptable ou fiscaliste) qui est familier avec ces dossiers. Dans les deux cas, il y a des notions importantes à savoir afin de réviser le travail de cette ressource et signer en toute confiance. Qu'elles sont ces notions?
Pour le fisc, un décès engendre deux périodes sous considération, deux exercices comptables. La première débute le 1 er janvier de l'année du décès et se termine le jour du décès. La seconde période débute le lendemain du décès ou les biens de la succession deviennent la propriété de la fiducie testamentaire et se termine à la fin de l'existence de la fiducie, une fois que la distribution de tous les biens a été réalisée et que les obligations de la succession sont satisfaites entièrement. Voyons des éléments pour chacune de ces deux périodes.
Pour la première période, il faut tenir compte de tous les revenus de la personne comme si elle existait et allait produire ses déclarations de la façon habituelle. Mais en plus, il faut tenir compte de la disposition présumée (on ne liquide pas les actifs réellement) de tous ses biens à la valeur marchande le jour de son décès. Les commentaires qui suivent s'appliquent à une personne sans conjoint. Donnons des exemples. Si la personne possède un REER ou un FERR, la valeur marchande de tout son contenu devra être déclarée comme un revenu pour l'année du décès. Si la personne possède un compte d'investissement non-enregistré, les titres sont présumés avoir été vendus le jour du décès et le gain en capital sur ces titres sera déclaré comme revenu de gain en capital également. Si ces placements comportent des obligations, il faudra déclarer les intérêts accumulés jusqu'au décès, même s'ils seront payés plus tard. Le CELI s'en tire bien puisqu'il est libre d'impôts et il n'y a rien à déclarer à ce chapitre. Une résidence secondaire comme un chalet engendre un gain en capital (ou perte) présumé et doit être déclaré. La résidence principale cependant jouit d'une clause d'exception.
Si la personne décédée avant un conjoint légal alors on peut transférer le REER/FERR "tel quel" vers le REER/FERR du conjoint sans évènement fiscal. Il en est de même du CELI, qui conserve sa "qualité" de CELI d'ailleurs. Les comptes non-enregistrés sont également transférable sans impact fiscal mais au coût d'origine du décédé et non à la valeur marchande. Bref, dans le cas du conjoint, le fisc accepte de retarder la fiscalité jusqu'au décès du conjoint recevant tous ces actifs. Le gain en capital sur le chalet, cependant, doit être déclaré.
Dans le cas de la deuxième période, sous la gouverne de la fiducie testamentaire, il faut déclarer les revenus sur les placements depuis le jour du décès jusqu'à la fermeture de la fiducie, typiquement un an après le décès. Par exemple, ce qui était le CELI n'est plus un CELI et les revenus devront être déclarés sous la fiducie. Veuillez noter que le coût des placements dans la fiducie est présumé être la valeur marchande au décès, ce qui est logique, puisque la fiducie ne veut pas payer les impôts sur ces placements une deuxième fois. Il peut se produire des situations inattendues. Par exemple, si la fiducie vend le chalet à un prix inférieur à la valeur marchande au décès, alors une perte en capital sera ainsi encourue. Suivant un article de la loi de l'impôt, il est permis, exceptionnellement, d'utiliser cette perte en capital pour réduire le gain en capital de la déclaration du décédé. Il en va de même pour les titres en bourse par exemple, si la valeur de ces titres chutent après le décès et avant la vente des titres en question par la fiducie. La fiducie utilise le formulaire T3 et la TP 646. Notez qu'il faut déclarer la prestation de décès du gouvernement du Québec de $2,500 en 2022 au niveau de la fiducie.
Il se peut que la personne décédée soit propriétaire d'une société privée qui accueillait ses revenus professionnels par exemple, une "INC." comme on le dit souvent. Dans un tel cas, la succession devra probablement acquitter d'importantes sommes d'impôt en prenant possession de ces actions. Dans certains cas, le passif fiscal est tellement élevé qu'il faut considérer la vente ou la "liquidation/dissolution" de ladite compagnie.
Dans ces cas, il est avisé de consulter un fiscaliste familier avec ces situations car il existe différents scénarios: a) liquidation b) liquidation et rachat des actions de la compagnie par la compagnie c) scénario "pipeline". De plus, si la personne décédée a un conjoint légal, ce conjoint peut accueillir les actions par héritage et retarder les évènements fiscaux jusqu'à son propre décès.
En matière d'héritage numérique, il pourrait être nécessaire pour le liquidateur de vérifier si le défunt a exprimé des instructions et même écrit un inventaire. Par exemple, il est possible de léguer toutes les informations de notre compte Apple dont les photos. On consulte son téléphone à cet effet afin de découvrir si une personne a été désignée. On peut désigner également un contact légataire sur Facebook et demander à modifier notre profil pour les circonstances. On peut également désigner une personne de confiance en ce qui concerne le compte Google. Bref, ce sont des points importants que le liquidateur voudra connaitre et agir au besoin pour que les voeux du défunt soient exaucés.
Il va de soi, également, d'obtenir la liste de tous les sites ou le défunt a créé un nom d'utilisateur, un mot de passe et peut-être même laissé des informations importantes comme la carte de crédit.
Vos dossiers progressent bien. Vous voyez à l'horizon le moment ou vous pourriez "distribuer" aux héritiers. Cependant, il y a des préalables importants. Une distribution hâtive pourrait vous coûter des sous sur une base personnelle si vous n'avez pas obtenue les quittances et décharges requises.
En premier, il y a les créanciers légitimes dont vous avez découvert l'existence en révisant les dossiers. Il est important de les payer et obtenir une "quittance" en bonne et due forme. Il y a les créanciers qui se sont manifestés lors de la publicité dans le journal local et dans le RDPRM. Il vous faut examiner leurs demandes, juger si elles sont bien documentées et légitimes. Dans ce cas, vous devez régler ces créances et obtenir les quittances. S'il se présente des créances que vous jugez illégitimes (par exemple, basée sur une prétendue promesse verbale du défunt) alors la situation requerra doigté afin d'expliquer votre point de vue et vos obligations de vérification diligente (par respect pour les héritiers légitimes et autres créanciers). Possiblement il vous faudra une consultation auprès d'un notaire et/ou un avocat pour vous aider à examiner toutes les avenues du problème et la jurisprudence. Une décision importante est de communiquer formellement votre décision ou de ne pas communiquer votre décision. L'enjeu peut impliquer une poursuite de ce prétendu créancier, lequel cas, vous devez avoir des fonds pour défendre la succession. Rappelez-vous que vous avez l'obligation d'agir en "bon père de famille". Espérez pour le mieux mais préparez-vous pour le pire.
Les agences du revenu fédérale et provinciale sont des cas spéciaux. Il vous faut attendre les avis de cotisation de toutes les déclarations que vous avez produites concernant cette succession. Il vous faut décider si ces avis de cotisation vous satisfont entièrement et si oui, régler les sommes dues. Il est possible de contester un avis de cotisation. Ceci introduit d'importants délais cependant. Il y a matière à jugement.
Un aspect important avec les agences est qu'elles vont vous aviser si des sommes sont dues pour les années précédant l'année du décès. C'est une situation qui mérite pleinement votre attention afin de vérifier les raisons et la légitimité de ces demandes.
On peut demander et obtenir des "décharges" des deux agences de revenu afin de vous dégager totalement de votre responsabilité personnelle de liquidateur concernant les impôts du défunt et de la fiducie. Il s'agit du formulaire MR-14.A et TX19. Une fois ces certificats entre vos mains, s'il survenait quoique ce soit après la clôture de la succession, côté fiscal, cela serait alors les héritiers qui seraient responsables.
Avant de distribuer, vous aurez peut-être à surmonter certains problèmes quant à la "division" des actifs. Par exemple, un chalet peut être difficilement partagé par tous les héritiers. Le défunt n'a peut-être pas laisser des indications. Des solutions s'imposent.
Essayez de développer différentes options avec les héritiers. Un principe est que l'argent est "fongible". Par exemple, un héritier pourrait acheter le chalet à la juste valeur marchande et remettre ainsi les fonds pour distribution à la succession. Une partie de ces fonds lui reviendra. Un notaire s'impose pour vous aider dans la documentation appropriée d'un tel scénario.
Si deux héritiers désirent le chalet, alors il est important de trouver une solution acceptable avant tout. Développez des options et discutez avec eux: pourraient-ils accepter d'être tous les deux propriétaires ou, à défaut, accepteraient-ils de participer à un encan en soumettant une offre à la succession et que le "meilleur gagne". Dans une situation conflictuelle, les héritiers devraient comprendre que vous pouvez décider de vendre le chalet en cas de non-résolution.
Tous les préalables sont résolus, alors vous êtes prêt à distribuer les actifs de la succession. Il vous faut payer les dettes en premier si cela n'est pas déjà fait. Puis vous payer les héritiers sujets à des legs particuliers. Ce qui reste constitue le "résidu" et sera partagé suivant les voeux du défunt dans son testament. Dans cette dernière étape, on parle du "compte définitif". C'est le moment de présenter le contenu du compte en question et votre plan de distribution. Si les héritiers acceptent le plan, vous distribuez le résidu. Vous publiez également l'avis de clôture du compte du liquidateur au RDPRM. Vous prenez les dispositions pour fermer le compte avec la banque et fermer définitivement tous les autres dossiers, en particulier ceux qui doivent rester confidentiels. Vous êtes alors déchargé de vos responsabilités de liquidateur. Dans le cas contraire, il vous faudra vous adresser à un tribunal. Dans un tel cas, sollicitez de l'aide d'un notaire.
Mot de la fin. Le présent texte se veut un témoignage particulier et n'est en aucun temps un avis légal ou professionnel.
Il existe plusieurs moyens de parfaire vos connaissances et mieux jouer votre rôle de liquidateur. Le site de Éducaloi par exemple ou encore le site de la Chambre des notaires.
Le Guide "Quoi faire lors d'un décès" est particulièrement pratique et utile.
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